Présentation
La pauvreté est une peine longue, parfois perpétuelle, imposée pour un crime que la personne qui la subit n’a pas commis. Elle ne se ramène pas à une précarité financière. Comme le reconnaissent les Principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, adoptés par le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU le 27 septembre 2011, elle se traduit par « de multiples violations en chaîne des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels », conduisant à ce que « les personnes vivant dans la pauvreté se voient régulièrement dénier leur dignité et leur égalité ». Une santé défaillante, le non-accès à l’éducation et à la culture, le chômage, l’isolement affectif, la maladie mentale, l’immigration ou l’incarcération: chacun de ces facteurs, séparément ou en combinaison, peuvent conduire à l’exclusion sociale et faire obstacle à la sortie de la pauvreté. Chaque affaiblissement d’un droit fondamental fragilise tous les autres, tout comme le renforcement de l’un d’eux consolide tous les autres.
Ces pauvretés et ces précarités, plurielles, ont été progressivement dénoncées. Des initiatives ont été prises afin que l’accès aux droits, faisant cruellement défaut aux personnes vulnérables, soit mieux garanti. Chacun de ces droits jugés fondamentaux est considéré comme une condition transcendantale d’une vie humaine digne. Pourtant, la garantie concrète de ces droits se révèle un combat de chaque jour.
C’est dans cette perspective que le comité de rédaction a jugé nécessaire, dans le paysage juridique belge, de mettre en ligne une nouvelle revue entièrement consacrée à l’articulation entre la pauvreté et le respect des droits fondamentaux.
Il l’a voulue gratuite, bilingue, adressée à un public plus large que celui des juristes « autorisés », praticiens ou théoriciens de la matière. Les documents, les articles de doctrine, les chroniques de jurisprudence publiés seront, en effet, susceptibles d’intéresser les institutions officiellement en charge d’accompagner les personnes victimes de la pauvreté, tels les centres publics d’action sociale mais aussi les nombreuses organisations publiques et privées qui militent et combattent pour l’éradication de la pauvreté — voire, et nous en rêvons, les personnes qui la vivent et s’acharnent elles-mêmes à la faire disparaître.
Trop souvent, la pauvreté est imputée au pauvre lui-même, à qui l’on reproche de n’être pas « adapté » au monde du travail, de n’avoir pas su saisir les « opportunités », d’avoir fait les mauvais choix, ou d’avoir été pris dans un conflit familial. Il est temps d’affirmer au contraire que la pauvreté est un échec de la collectivité
Cette revue en ligne devrait aussi permettre que ses lecteurs, forts de leurs compétences et éclairés par leur expérience, deviennent partenaires de sa publication en alimentant à leur tour son contenu. Le comité de rédaction a déjà créé un réseau de personnes ressources, parmi lesquelles des magistrats, réseau qui attend d’être étendu à d’autres.
A l’image de ceux que l’on mettra en ligne quatre fois par an, le premier numéro comprend des articles de doctrine, des notes de jurisprudence, des décisions émanant de juridictions belges ou supranationales, publiées dans leur langue originale, précédées d’un sommaire et de mots clés dans les deux langues, ainsi que de brèves chroniques précédant le renvoi aux liens qui permettent d’accéder à des documents importants.
Notre projet va au-delà de celui de fournir une information accessible aux avocat.e.s et magistrat.e.s, aux travailleurs sociaux et aux militant.e.s de la société civile, et aux personnes en pauvreté elles-même, afin que le droit puisse être mieux utilisé comme arme contre la précarité et l’exclusion sociale. Il est de changer progressivement la perception de la pauvreté, et le discours par lequel la pauvreté est décrite dans nos sociétés. Trop souvent, la pauvreté est imputée au pauvre lui-même, à qui l’on reproche de n’être pas « adapté » au monde du travail, de n’avoir pas su saisir les « opportunités », d’avoir fait les mauvais choix, ou d’avoir été pris dans un conflit familial. Il est temps d’affirmer au contraire que la pauvreté est un échec de la collectivité: elle est prix que nous payons pour n’avoir pas réussi à bâtir des sociétés véritablement inclusives, qui sachent valoriser chacun et chacune de ses membres, et créer les conditions qui permettent à chacun et chacune de s’épanouir. Le droit peut contribuer à favoriser cette inclusion: dans cette revue, nous identifierons où il peut le faire.
Voilà en quelques mots le projet et, même s’il relève de l’utopie, pourquoi ne pas rêver qu’il puisse contribuer à éradiquer les causes de toutes les pauvretés ? Le comité de rédaction l’assume mais avec la conviction que son rêve pourrait constituer la réalité de demain.
Marie-Françoise Rigaux
Présidente du comité de rédaction

CHARTE DES VALEURS
Il s’agit d’une revue juridique bien que des liens puissent exister avec d’autres disciplines, telles que la sociologie, la politologie ou la philosophie.
La revue est scientifique et indépendante. Le comité de rédaction est composé de magistrat·e·s, avocat·e·s, professeur·e·s, assistant·e·s et chercheur·e·s d’université. Il comporte également un membre du service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, créé par l’accord de coopération conclu entre l’Etat fédéral, les Communautés et les Régions le 5 mai 1998 « relatif à la continuité de la politique en matière de pauvreté ». La revue n’est pas subventionnée.